Oradour, le procès de l'impossible

Lors du procès du massacre d'Oradour sur Glane, au tribunal militaire de Bordeaux en 1953, on découvre que les bourreaux sont aussi des victimes puisque, sur le banc des accusés, on trouve majoritairement des Alsaciens enrôlés de force par l'armée d'Hitler. La question de l'incorporation de force durant la Seconde Guerre mondiale surgit violemment. Le procès prend alors une autre tournure : on assiste à un affrontement entre les partisans de l'irresponsabilité des accusés alsaciens et les tenants de leur culpabilité.

Critique : 10 juin 1944, Oradour-sur-Glane (Limousin). Six cent quarante-deux civils tués méthodiquement en trois heures par les forces nazies. Le procès hautement symbolique et politique de ce massacre s'ouvre en 1953, à Bordeaux. Soixante et onze ans plus tard, la justice n'a toujours pas fini son travail (1) . Dans son film, Jean Bonnefon nous fait revivre chaque journée de ce procès hors norme en croisant archives sonores et photographiques, témoignages et commentaires de juristes. Sur le banc des accusés, on trouve en majorité des Alsaciens enrôlés de force par l'armée de Hitler, ceux qu'on appelle les « malgré-nous ». Pour le psychiatre-psychanalyste Boris Cyrulnik (2) , comme pour le survivant Robert Hebras, c'est « celui qui a envoyé [un] soldat faire Oradour qui est responsable ». Or, à l'inverse du procès de Nuremberg (1946), les hauts gradés nazis sont absents de celui d'Oradour. « Quelle que soit la décision [de justice], elle est injuste, interprète Cyrulnik. Si elle disculpe les ''malgré-nous'', elle agresse les survivants ; si elle punit les ''malgré-nous'', elle agresse des gens innocents. » La complexité juridique, historique et psychologique d'Oradour est ici parfaitement restituée. Les effets graphiques sur les archives photos rendent d'autant plus tangible cet « impossible » procès. — Yohav Oremiatzki   (1) Des poursuites ont été abandonnées contre un ancien soldat nazi en décembre 2014. (2) Il évoque les survivants d'Oradour dans Autobiographie d'un épouvantail (éd. Odile Jacob).

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