Coutures

Pilier des garde-robes de l'élite aux ghettos, le polo René Lacoste fut, à ses débuts, une véritable déclaration de guerre à la décence masculine. -- Critique : Si l'on glose souvent sur les couturiers qui, de Gabrielle Chanel à Yves Saint Laurent, ont contribué à libérer le corps féminin, plus rares sont les évocations de ceux qui ont joué ce rôle — il est vrai moins politique — du côté du vestiaire masculin. Conçu comme une biographie par la bande de René Lacoste, ce court documentaire s'inscrit dans la seconde catégorie, et c'est là sa principale originalité. Qui mieux que le Crocodile, star des courts de tennis réputée pour sa pugnacité, héritier d'une lignée d'ingénieurs, aurait pu mettre autant de ténacité et d'exigence à la confection d'une chemise en coton jersey ? Il faudra près de sept ans au Mousquetaire pour mettre au point ce maillot surmonté d'un col bientôt baptisé polo (il ressemble à s'y méprendre à ceux portés par les officiers britanniques qui découvrent, en Inde, ce sport qu'ils feront leur), d'abord conçu pour supplanter l'encombrante chemise de popeline à manches longues qui entrave les mouvements des joueurs de tennis... Muriel Edelstein déshabille avec malice et à-propos l'histoire de ce vêtement culte. Confectionné au début des années 1930 en collaboration avec l'as de la bonneterie André Gillier, le polo fait d'abord scandale — réalisé dans une matière d'ordinaire réservée aux caleçons, il épouse et dévoile les courbes masculines... Shocking ! — avant de conquérir les armoires de tout un chacun, célébrités et quidams, hommes et femmes, pros de la raquette et sportifs du dimanche. — Emilie Gavoille